Betizu, la dernière vache sauvage d'Europe

Sur les flancs du Xoldokogaina, de la Rhune, Atxuria ou Mondarrain, il n'est pas rare de croiser des Betizu, des vaches sauvages facilement reconnaissable avec leurs robes de couleur rougeâtre et leurs cornes relevé en forme de lyre.
Betizu, la dernière vache sauvage d'Europe
Le betizu est considéré comme l’une des populations bovines les plus anciennes.

Le mot « betizu » vient des termes basques « behi » qui signifie « vache » et « izu », « farouche, intraitable, sauvage, fuyante ». Ce sont effectivement des animaux au caractère sauvage qui vivent dans les forêts et les montagnes du Pays Basque. Par opposition à ces animaux sauvages, la vache domestique est désignée en basque par les termes « etxe-behi » si elle vit dans une ferme, et par « mendi-behi » si elle pâture en semi-liberté en montagne. Selon les auteurs, on trouve différentes appellations pour les betizu : « herri ganadua » (Echevarria, 1975), « herri behiak » (Staffe, 1926), « behi auzoa », « etxeko behiak », « betiso basidi », « basabehi » ou « behi betizu » (Seiliez, 1975) ; « abel gorriak », ou « kata bizarrak » sont des dénominations moins usitées.
Enfin, la désignation du betizu varie selon la province basque considérée : on l’appelle « lara- behi » (vache de pâturage) ou « basa-behi » (vache des bois) en Guipúzcoa, « basa-behiak » en Biscaye, et même « bei-uzoak » et « bei-gorri » dans la région de Dima en Biscaye. En catalan, on parle de « vaca del país », « la nuestra », « raza vasca », ou « vaca salvaje ».
En français, on parle de « bétissoa », « bétissou », « vache sauvage ».
Il faut également noter que « betizu » est un nom de genre féminin en Espagne alors qu’il est masculin en France ; cette distinction grammaticale ne va pas sans rappeler la différence de statut attribué à cet animal dans ces deux pays : la betizu espagnole est une race bovine d’élevage en Espagne, alors que ce bovin est plus volontiers considéré comme un animal sauvage par ses ayants-droits français, au même titre qu’un chevreuil.

Betizu, la dernière vache sauvage d'Europe
Au Pays Basque, les taureaux sauvages sont des animaux dont l’origine se perd dans la nuit des temps. En témoignent tout d’abord, leur apparition dans la mythologie basque puis les peintures rupestres datant d’environ 15 000 ans.

Les betizu sont des animaux mythiques pour le peuple basque. Ils auraient d’ailleurs, d’après José Miguel de Barandiaran, inspiré le « taureau rouge » (zezen gorri, ou ahatxe gorri) et la « vache rouge » (behi gorri) évoqués dans les légendes populaires basques. Le plus souvent, les « zezen gorri » sont présentés comme les gardiens de la grotte où vit la déesse « Mari ». Ils protègent l’entrée de la grotte pour que personne n’y accède (Barandiaran, 1972). On raconte que le taureau qui habitait la grotte Leiza de Sare, effrayait et faisait fuir par ses beuglements ceux qui voulaient y entrer. Parfois, on entendait le son de sa clarine dans la profondeur des galeries (Lecumberri, Pérez de Muniain Ortigoza, 2005).

Mais quelques fois, c’est la déesse Mari elle-même qui est décrite sous la forme de différents animaux dont le taureau rouge, la vache rouge, le cheval ou la couleuvre (Lecumberri, Pérez de Muniain Ortigoza, 2005).

D’autres légendes racontent que certains gouffres étaient gardés par des génies à l’aspect de taureaux rouges. Pour certains, ces créatures souterraines sortaient la nuit à la surface de la terre.

Une autre légende évoque également un taureau rouge qui vivait à Pipaon en Alaba et qui poursuivit un groupe de jeunes qui avait insulté une personne âgée du village.

La behi gorri (ou vache rouge) est aussi un génie qui vit dans les grottes et les gouffres. Dans de nombreux récits, on dit d’elle qu’elle entraînait dans son antre ceux qui tentaient de l’approcher pour l’emmener chez eux : ainsi, la légende raconte qu’un jour, la maîtresse de la maison Irabi à Amezketa demanda à sa fille d’aller chercher une génisse qui avait disparu. Mais la fille refusa. Alors sa mère lui jeta cette malédiction : « Que le diable t’emporte si tu ne la ramènes pas ! ». La fille partit alors à la recherche de la génisse et aperçut une vache rouge. Croyant qu’il s’agissait de leur bête, elle s’en approcha et l’empoigna par la queue. C’est alors que l’animal, en fait le Diable ou Mari de Marizulo, l’amena dans la grotte de Txindoki dans le massif d’Aralar (Labat, 2006)... On peut voir là la volonté de l’imaginaire basque de garder ces vaches rouges à l’état sauvage. Cette vache refuse d’aller dans les maisons des hommes, peut-on y voir là le refus de la domestication ?

Betizu, la dernière vache sauvage d'Europe
Outre ces évocations de vaches faisant penser aux betizu dans la mythologie basque, certains affirment qu’il y a une forte ressemblance entre ces animaux et les peintures rupestres retrouvées dans les grottes du nord de l’Espagne et du sud de la France, comme celles des grottes de Lascaux en Dordogne ou dans la grotte d’Arenaza à Galdames en Biscaye et datant de quinze à vingt mille ans (Bizkaiko Betizu Elkartea). Effectivement, on peut observer des bovins qui ressemblent morphologiquement aux betizu : couleur brun-rougeâtre, avec des tons plus sombres sur la tête et les extrémités, des cornes en forme de lyre et un corps ayant une conformation caractéristique avec les quartiers avant plus développés que les quartiers arrière, un front large et les yeux saillants (Seiliez, 1971). Mais on ne peut malheureusement pas conclure que ce sont des betizu en l’état actuel des connaissances. Pour cela, il faudrait réaliser des études génétiques pour comparer les ossements retrouvés sur ces sites archéologiques et les betizu. Les peintures rupestres ressemblent en tout cas à l’Auroch, espèce disparue, mais qui semble être l’ancêtre de tous nos bovins domestiques actuels et peut-être des betizu...

Betizu, la dernière vache sauvage d'Europe
Les betizu sont des animaux très agiles, vifs et peureux. Ils craignent l’homme et se comportent comme n’importe quel animal sauvage, le fuyant de la même façon que le font les sangliers ou les chèvres sauvages dans les Pyrénées. On ne peut pas les approcher à moins de dix mètres : au-delà, les betizu paniquent et peuvent alors soit fuir, soit attaquer. Il faut se méfier. Les vaches peuvent se montrer très agressives, et chargent lorsqu’elles se sentent traquées ou si elles veulent protéger leurs petits.

Les effectifs sont en déclin et tournent autour de seulement 300 individus, dont environ 60 pour la partie française du Pays basque. Il est naturellement difficile de connaitre ces chiffres avec certitude.

Sources : Mirentxu Bernez-Vignolle thèse : "Le betizu, une population bovine des montagnes basques.

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