Les Laminak et le château de Laustania

 Il y a maitenant bien longtemps, le seigneur de Laustania, trouvant trop pauvre son château, demanda, dit-on, aux Laminak qu'ils lui en fissent un nouveau.
   Les Laminak le voulurent bien. Volontiers ils feraient le château ; et même, ils le feront avant le premier chant du coq postérieur au coup de minuit. Une condition : en guise de salaire, le seigneur leur donnerait son âme. Et le seigneur de Laustania en fit la promesse.
   Dans la nuit même, les Laminak commençèrent leur besogne. Ils taillèrent parfaitement de belles pierres rouges d'Arradoy. Et puis, ils se les passaient vivement de l'un à l'autre, en se disant à voix basse :
   - Tiens, Guillen !
   - Prends, Guillen !
   - Donne, Guillen !
   Et le travail avançait, avançait furieusement. Du haut de l'escalier du poulailler, le seigneur de Laustania regardait les Laminak. Dans une main il tenait un certain paquet gris.
   Et voici que les Laminak empoignèrent la dernière pierre :
   - Tiens, Guillen !
   - Prends, Guillen !
   - C'est la dernière Guillen !
   Dans le même instant, le seigneur de Laustania mettait feu à un gros morceau d'é ; une grande lueur s'éleva devant le poulailler. Un jeune coq s'effraya, craignant que le soleil ne l'eût devancé ce jour là : il chanta kukuruku et se mit à battre des ailes.
   Avec un hurlement aigu, le dernier Laminak dans le gouffre de la rivière jeta la dernère pierre que déjà il tenait dans ses mains : « Maudit coq ! » Et il s'abimâma lui-même dans le gouffre avec ses compagnons.
   Cette pierre, jamais personne n'a pu la retirer du gouffre. Elle est toujours là, au fond de l'eau : les Laminak la retiennent avec leur griffes. Et, depuis toujours, il manque une pierre au château de Laustania.

Château de Laustenia, fin 19e siècle, par Hélène Feillet, collections du Musée basque et de l’histoire de Bayonne


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